mardi 24 avril 2007

Des détenus remis aux Afghans seraient maltraités

Un grand nombre de détenus afghans capturés par les Forces armées canadiennes subiraient des sévices et de la torture de la part des autorités afghanes à qui ils ont été confiés.

Dans des entrevues menées en Afghanistan par le «Globe and Mail» auprès de 30 de ces détenus, ceux-ci affirment qu'après avoir été remis aux autorités judiciaires du pays, ils ont été battus, fouettés, soumis à des températures extrêmes, privés de nourriture, étranglés et ont même subi des chocs électriques durant leur interrogatoire.

Or ceci contrevient à la Troisième convention de Genève, qui interdit la torture des prisonniers de guerre. L'article 12 stipule que ces derniers ne peuvent être transférés « qu'à une Puissance partie à la Convention et lorsque la Puissance détentrice s'est assurée que la Puissance en question est désireuse et à même d'appliquer la Convention ».

Selon Amir Attaran, professeur de droit de l'Université d'Ottawa, et Michael Byers, de l'Université de Colombie-Britannique, deux experts en droit international, le Canada a déjà enfreint la Convention de Genève et a ouvert la porte à des poursuites pour crime de guerre contre les soldats canadiens. Le gouvernement fédéral n'a plus le choix: face aux allégations, il doit dès aujourd'hui mettre un terme au traité.

Ce traité, signé en décembre 2005 alors que le gouvernement libéral de Paul Martin était encore au pouvoir, a fait l'objet de vives critiques puisqu'il ne permet pas au Canada d'aller vérifier sur place les conditions dans lesquelles on garde les individus arrêtés et transférés par les soldats canadiens.

Tel qu'expliqué par M. Byers lors d'un point de presse, "Ce n'est pas un choix pour le Canada. De transférer des gens maintenant, après la nouvelle d'aujourd'hui dans un quotidien national, ce sera un crime de guerre. (...) Ce n'est pas une question politique, c'est une question d'obligation en droit international humanitaire"

MM. Amir Attaran, professeur de droit de l'Université d'Ottawa, et Michael Byers, de l'Université de Colombie-Britannique proposent qu'afin d'éviter de devoir transférer les prisonniers aux mains des forces afghanes, le Canada et les autres pays occidentaux présents en sol afghan envisagent d'ériger leur propre centre de détention en Afghanistan pour abriter les nouveaux prisonniers afghans,où les détenus seraient sous leur responsabilité. «Il n'y pas de place à l'équivoque dans cette affaire. Il s'agit de la règle la plus fondamentale du droit international, c'est-à-dire l'interdiction de la torture et l'interdiction de se faire complice de tout acte de torture», a affirmé M. Byers.

Ces détenus avaient été préalablement mis en état d'arrestation par les militaires canadiens qui, après une détention de quelques jours à leur base de Kandahar, les ont confiés à la Force nationale de sécurité afghane.

Le mois dernier, le ministre de la Défense nationale, Gordon O'Connor, a été critiqué pour avoir affirmé, à tort, que si des détenus remis aux afghans étaient maltraités, le Canada en serait informé par la Croix Rouge internationale. Le ministre avait ensuite admis son erreur, clamant sa bonne foi.

La Commission indépendante des droits de la personne de l'Afghanistan a conclu une entente avec les autorités canadiennes selon laquelle elle s’est engagée à superviser le traitement des détenus et elle doit informer le Canada de tout sévice infligé à un détenu venant d'être transféré des autorités canadiennes à celles de l'Afghanistan. Or, en entrevue au quotidien The Globe and Mail à Kandahar, l'enquêteur en chef de la Commission, Amir Mohammed Ansari, explique qu'il n'a plus accès aux cellules des services secrets afghans et qu'il ne peut donc plus informer les autorités canadiennes du sort réservé aux détenus. Légalement, l'organisme devrait pouvoir rencontrer les prisonniers, mais la réalité est tout autre.

La Commission est donc incapable de remplir le mandat qui lui a été confié par le gouvernement de Stephen Harper.


Source: Cyberpresse, Branchez-vous

Aucun commentaire: