vendredi 20 avril 2007

Charia et Justice

Un juge allemand a refusé le divorce immédiat à une femme d’origine marocaine battue par son mari, au motif que le Coran ne condamne pas ce genre de pratique.

Les faits remontent à mai 2006. Une jeune Allemande de 26 ans, originaire du Maroc, fait appel à la police pour violences conjugales. Convaincue de l’échec de son mariage avec un Marocain du pays, cette mère de deux jeunes enfants se tourne vers la justice. Le mari violent est condamné à quitter le domicile conjugal, et à ne plus s’approcher de son épouse. Mais « il continue à la terroriser, et à la menace de mort », assure Barbara Becker-Rojczyk, l’avocate de la victime qui réclame alors un divorce ‘accéléré’ en octobre dernier. La législation allemande prévoit un délai d’un an entre séparation et proclamation du divorce. La procédure ‘en accélérée’, rare, est cependant prévue dans les cas de violence. La juge de Francfort saisie du dossier a rejeté la demande de la victime au nom de la Charia.

Les deux époux venant d’un pays musulman, il ne convient pas d’évoquer le problème de la violence, estime la juge, puisque celle-ci est « autorisée » par la quatrième sourate du Coran. En se mariant avec un Marocain, la victime « devait s’attendre » à ce genre de traitement, précise la juge le 12 janvier dernier. La magistrate réitère le 8 février, confirme son jugement en invoquant « l’honneur bafoué » du mari. L'avocate demande, et vient d’obtenir, la dessaisie du dossier. « Le code de la famille marocain vient d’être remanié et c’est l’un des plus modernes d’Afrique du Nord, rappelle Nadjma Yassari, experte en droit international de l’Institut Max Planck. Il n’accorde pas à l’homme le droit de battre son épouse ! »

Le Conseil central des musulmans en Allemagne a immédiatement réagi, estimant que le juge "aurait dû se référer à la Constitution allemande et non au Coran", et a rappelé que, dans l'islam aussi, la violence et les mauvais traitements, quelque soit le sexe, étaient des motifs de divorce. Le quotidien de gauche Taz publie en première page le verset 34 de la 4e sourate du Coran, et la traduit comme suit :

"Si vous craignez que quelque femme se rebelle, alors menacez-la, rejetez-la dans le lit conjugal et battez-la!"

Un tribunal de Francfort a approuvé le recours déposé par l'avocat de la femme battue visant à dessaisir le juge. Un nouveau juge va se saisir de l'affaire.

La classe politique allemande toutes allégeances confondues, a publiquement désavoué le juge.

Source: Libération

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