On fait mention dans le journal La Presse(1) du fait que le Rwanda avait remis au gouvernement canadien des requêtes d'extradition portant sur cinq hommes qui auraient organisé le génocide dans ce pays et qui se cacheraient maintenant au Canada, soit MM. Léon Mugesera, Pierre Célestin Halindintwali, Evariste Bicamumpaka, Gaspard Ruhumuliza et Vincent Ndamage. Ceux-ci sont accusés d'avoir incité ou organisé le massacre.
Le Canada est lié par deux obligations internationales, d’une part, les Principes de la coopération internationale en ce qui concerne le dépistage, l'arrestation, l'extradition et le châtiment des individus coupables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité et d’autre part, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (2). Or, les deux objectifs visés par ces traités, soit la courtoisie internationale en ce qui concerne les Principes de la coopération internationale en ce qui concerne le dépistage, l'arrestation, l'extradition et le châtiment des individus coupables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité et la dignité humaine en ce qui concerne le Pacte international relatif aux droits civils et politiques sont en opposition dans le cas des demandes d’extradition, plus précisément celles qui sont en cours.
En effet, les États parties au Pacte s’engagent à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire les droits reconnus par le Pacte, plus spécifiquement le droit à être traité avec dignité, l’égalité devant la justice, le droit d’être entendu équitablement et publiquement par un Tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, le droit d’être jugé sans retard excessif, le droit d’être présent au procès et le droit se défendre eux-mêmes. Le développement progressif des droits humains est un obstacle à la torture, aux peines et aux traitements cruels, inhumains ou dégradants.
La demande d’extradition permet de voir la contradiction des obligations. Selon les données d’Amnesty International et d’Human Rights Watch (3), le Rwanda fait face à un problème de surpopulation carcérale. On dénote également des cas de violences physiques exercées, y compris la torture, sur des détenus par des membres du personnel pénitentiaire qui seraient également à l’origine de morts en détention. De plus, la plupart de ces détenus n’ont pas fait l’objet d’un procès devant un tribunal et ont peu de chances de voir leur cas examiné dans un avenir proche par les tribunaux du pays. Peu de ces magistrats étaient des juristes, et moins d’un quart avaient reçu une formation juridique adéquate (4), d’où la difficulté de procéder à un procès juste et équitable dans un délai raisonnable. La durée du délai, les ressources disponibles, notamment relatives aux nombres de magistrats disponibles pour entendre la cause et la formation inadéquate des magistrats remettent en question la possibilité, pour le détenu, d’avoir droit à un procès juste et équitable dans un délai raisonnable. Selon Amnesty international (5), le système gacaca semblait manquer d'impartialité et les accusés n'étaient pas autorisés à se défendre, que ce soit lors de la procédure d'investigation précédant le procès ou au cours de celui-ci à proprement parler. La phase initiale de collecte des informations était en outre apparemment contrôlée par les autorités locales (nyumbakumi) alors que, au regard de la loi, la responsabilité en revenait directement aux juges gacaca.
C’est pourquoi le respect des droits fondamentaux doit être prioritaire et le principe de la souveraineté des États doit être appliqué. Puisque les obligations relatives aux Principes de la coopération internationale et celles relatives aux Pacte, sont présentement en conflit, le Pacte devrait avoir préséance. En vertu de la Loi sur l’extradition, le Canada devrait refuser l’extradition de ces hommes puisqu’elle « serait injuste ou tyrannique compte tenu de toutes les circonstances » et en vertu des pouvoirs conférés par la Loi sur les crimes de guerre et crimes contre l’humanité (6), le Canada devrait engager les poursuites en sol canadien.
(1)Isabelle Hachey, « L’étau se resserre autour des suspects rwandais » La Presse [de Montréal] (17 novembre 2007) Plus2.
(2) Principes de la coopération internationale en ce qui concerne le dépistage, l'arrestation, l'extradition et le châtiment des individus coupables de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité, (1973) Rés. A.G 3074 (XXVIII)[Principes de la coopération internationale]; Pacte international relatif aux droits civils et politiques, (1976) 999 R.T.N.U. 171 [Pacte].
(3) Amnesty internationale, Rwanda. Gacaca : Une question de justice, Londres, Index, AI :AFR 47/007/02; Amnesty International, Rapport 2007 : La situation des droits humains dans le monde, Londres, 2007, Human Rights Watch, Les droits humains en Rwanda, Juillet 2007 Volume 19, No. 10(A).
(4) Loi organique N°16/2004 du 19/06/2004 portant Organisation, compétence et fonctionnement des juridictions Gacaca chargées des poursuites et du jugement des infractions constitutives du crime de génocide et d’autres crimes contre l’humanité commis entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994, entrée en vigueur le 19 juin 2004 par publication au Journal Officiel de la République du Rwanda, n° spécial, modifiée et complétée par la Loi organique n°28/2006 du 27/06/2006 entrée en vigueur le 12 juillet 2006 et par la Loi organique n°10/2007 du 01/03/2007 entrée en vigueur le 1er mars 2007 par publication au Journal Officiel de la République du Rwanda, n°5.
(5) Supra, note 2.
(6) Loi sur l'extradition, L.R.C. 1999, c. 18, art 44; Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, L.C. 2000, c. 24, art. 9.
dimanche 25 novembre 2007
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