lundi 21 mai 2007

Aux États-Unis, plus d'un condamné exécuté sur neuf est un «volontaire»

Deux exécutions sont prévues cette semaine aux États-Unis. Deux États différents, deux histoires différentes. Un point commun: comme plus d'un condamné exécuté sur neuf dans le pays, les deux hommes ont renoncé à leurs appels et demandé à mourir.

Robert Comer, 55 ans, a tué un campeur dans l'Arizona en 1987. Condamné à mort, il a commencé une longue série d'appels, avant de jeter l'éponge en 1998. Les tribunaux ont mis des années à déclarer que son état de santé mentale lui permettait de prendre une telle décision, mais à moins d'un report de dernière minute, il devrait mourir mardi matin.

Délinquant multirécidiviste dans l'Ohio, Christopher Newton, 37 ans, s'est un jour persuadé qu'il ne sortirait jamais de prison. Face à cette perspective, il a choisi en novembre 2001 de tuer son codétenu pour être condamné à mort. Il devrait recevoir l'injection mortelle jeudi matin.

Pour les opposants à la peine capitale, ces exécutions «volontaires» ne sont rien d'autre que des suicides assistés par l'État, et leur proportion constante illustre avant tout la fragilité mentale des condamnés et l'inhumanité des conditions de vie dans les couloirs de la mort.

Notamment, un délinquant multirécidiviste de 37 ans qui souffrait de nombreux troubles mentaux a été exécuté jeudi dans l'Etat américain de l'Ohio. Persuadé qu'il ne sortirait jamais de prison, il avait tué en 2001 un co-détenu pour être condamné à mort.

Le personnel pénitentiaire a mis plus d'une heure pour trouver une veine où fixer une aiguille dans chaque bras du condamné, qui était presque obèse, a expliqué une porte-parole de l'administration pénitentiaire.

Après une enfance très perturbée, sous l'influence d'un père violent et pédophile, l'homme a commencé les vols à l'étalage dès 12 ans, enchaînant ensuite les condamnations pour agressions et vols, selon plusieurs documents de justice.

Peine capitale exigée

En 1992, à l'âge de 22 ans, il a écopé de 15 ans de prison pour une tentative de cambriolage. Placé en liberté conditionnelle en 1999, il a été arrêté au bout de quelques semaines pour être entré par effraction chez son père, et condamné à plusieurs années de détention supplémentaires.

En octobre 2001, il a demandé à être transféré vers une unité plus surveillée de la prison de Mansfield, expliquant qu'il se sentait menacé par un co-détenu. Il a été placé dans une cellule avec un homme de 27 ans qui souffrait lui aussi de problèmes mentaux, qu'il a étranglé un mois plus tard.

A son procès en 2003, il a exigé que l'accusation réclame la peine capitale, condition pour qu'il accepte de plaider coupable. Condamné à mort, il a choisi de ne pas faire appel.


Depuis le rétablissement de la peine de mort en 1976 aux États-Unis, 124 des condamnés exécutés avaient renoncé à leurs appels, soit plus de 1 sur neuf. Certains États, notamment dans le nord-est, n'ont exécuté que des «volontaires».

Selon un rapport d'Amnesty International, la quasi-totalité de ces «volontaires» sont des hommes blancs, alors que la moitié des plus de 3300 condamnés à mort américains appartiennent à une minorité ethnique, et la plupart souffraient de graves problèmes mentaux.

Au-delà des questions de santé mentale, Amnesty relève de nombreuses raisons qui peuvent pousser un condamné à demander à mourir: maladie, remords, forfanterie, croyance religieuse, recherche de notoriété, ou tout simplement le besoin de faire usage d'un dernier semblant de contrôle sur sa vie.

Surtout, les conditions de détention, dans un isolement absolu pendant des années, face à l'alternance infernale de l'espoir et de l'accablement, a de quoi faire perdre la tête à certains, et le goût de la vie à beaucoup, assure Amnesty.

Abandonner ? «Beaucoup en parlent, et quelques-uns vont jusqu'à écrire aux juges, même si nous arrivons souvent à les faire changer d'avis», raconte John Blume, avocat et professeur de droit qui a défendu une cinquantaine de condamnés à mort, dont un a été exécuté après avoir renoncé à ses appels.

«C'est très décourageant de les voir abandonner tout espoir (...). C'est compréhensible, compte tenu des conditions dans lesquelles ils vivent, mais cela revient à regarder quelqu'un se suicider», ajoute-t-il.

Pour Richard Dieter, président du Centre d'information sur la peine de mort, les couloirs de la mort n'ont pas été conçus pour que des hommes ou des femmes y vivent 10, 15 ou 30 ans.

Isolés 22 heures par jour, sans activité, les condamnés subissent «une peine supplémentaire», dénonce M. Dieter, rappelant que les détenus n'étaient pas les seuls responsables si les procédures s'éternisent: en Californie, un détenu qui fait appel doit d'abord attendre quatre ans pour se voir attribuer un nouvel avocat.

En 2005, Eileen Reilly, une religieuse catholique, a accompagné Michael Ross, un tueur en série du Connecticut, qui avait demandé à être exécuté après 20 ans d'appels.

«Il m'avait dit de venir à condition de ne pas parler de sa décision, mais en fait il n'a parlé que de cela. Il voulait que je l'approuve. Mais je ne pouvais pas, cela m'aurait rendue complice de ce que l'État était en train de faire», raconte-t-elle.


Source : Agence France-Presse, Washington, Exécuté après avoir tué un co-détenu pour être condamné à mort